NUCLEAIRE

Le nucléaire est une énergie du passé

SOURCE/ Le MONDE du 28/08/2012

Par Franck Pupunat, porte-parole du Mouvement Utopia, Nicolas Pagnier (PS), Pierre Lucot (EELV), Myriam Michel (Parti de gauche)


Il est urgent qu’Arnaud Montebourg et Manuel Valls posent enfin le pied dans l’univers de la société civile et de l’immense majorité de la communauté scientifique qui défendent des scénarios de sortie progressive du nucléaire. L’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Etats-Unis, la Chine et évidemment le Japon considèrent tous que le nucléaire n’est pas une industrie d’avenir : tellement d’inconvénients et si peu d’avantages !

Tellement d’inconvénients. Les ministres socialistes ne semblent pas croire au risque... et pourtant André-Claude Lacoste, président de l’Autorité française de sûreté nucléaire, déclarait il y a quelques mois : "Je l’ai toujours dit : personne ne peut garantir qu’il n’y aura jamais un accident grave en France." Au cours des vingt dernières années, nous avons frôlé la catastrophe majeure en France à plusieurs reprises, notamment à la centrale du Blayais en 1999. Si l’on appliquait la carte des zones irradiées de Tchernobyl sur un fond de carte de France, ce serait près d’un quart du territoire qui serait inhabitable pour plusieurs générations, plus d’une dizaine de millions de personnes déplacées et gravement exposées à des risques sanitaires majeurs. La probabilité des risques augmente d’ailleurs avec le vieillissement des centrales et le dérèglement climatique.

Et que dire des déchets qui représentent certainement le cadeau empoisonné le plus lourd que nous allons léguer aux générations futures ? Des tonnes de déchets dont les durées de vie dépassent les 100 000 ans !
Et si l’on revient sur terre, comment Arnaud Montebourg peut-il défendre une industrie qui nous rend complètement dépendant des ressources et des industries étrangères ? Du combustible (la totalité de l’uranium nécessaire au nucléaire en France est importée) à l’acier nécessaire pour la construction des réacteurs en passant par les licences d’exploitation de la filière PWR de Westinghouse venue des USA (54 réacteurs français sur 58 sont sous licence Westinghouse).

Et si peu d’avantages. Non, contrairement à une idée reçue, le nucléaire ne permet pas de lutter contre le dérèglement climatique. D’abord, aujourd’hui il n’existe aucune analyse comparative sérieuse qui prenne en compte l’ensemble du cycle de vie d’une centrale (de l’extraction de l’uranium, du transport, de la construction, du stockage des déchets pendant des milliers d’années, du démantèlement...). Ensuite rappelons que le nucléaire ne produit "que" de l’électricité et que les émissions de CO2 proviennent ultra majoritairement de l’agriculture, des transports, de l’industrie... Se passer du nucléaire n’a donc quasiment aucun impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

De même, les pro-nucléaires mettent en avant une énergie au coût très faible. Mais le coût facturé est officiellement "arbitré" par le gouvernement et la facture n’intègre pas la totalité des coûts d’investissements initiaux, de recherche, du démantèlement, du stockage des déchets, ou de l’assurance. Le nucléaire n’est donc pas "en soi" une énergie peu chère.

Quant à la question de la sauvegarde de l’emploi, la position d’Arnaud Montebourg est un mystère... De nombreuse études montrent que sortir du nucléaire créerait 2 à 3 fois plus d’emplois que la filière nucléaire : une production en unités de taille modeste, décentralisée et à productivité moindre. On est à peu près dans le même cas de figure que pour l’agriculture bio ou paysanne par rapport à l’agriculture intensive. En Allemagne, on estime que 340 000 emplois ont été créés ces dix dernières années dans le domaine des renouvelables et de l’efficacité énergétique suite à la décision de sortie du nucléaire.

Alors, le nucléaire, une filière d’avenir ou du passé ? Après tout, la plupart des pays, y compris dits développés et bénéficiant d’un bon confort énergétique, n’ont pas recours à cette énergie. Il existe de nombreuses autres manières de produire de l’électricité ainsi que des scénarios alternatifs. L’industrie nucléaire est donc résolument une industrie du passé et la sortie du nucléaire débarrasserait à coup sûr l’humanité de l’une des plus grandes folies humaines de ce siècle.

Franck Pupunat, porte-parole du Mouvement Utopia, Nicolas Pagnier (PS), Pierre Lucot (EELV), Myriam Michel (Parti de gauche)

Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, a affirmé, dimanche 26 août sur BFM TV, qu’il "considère que le nucléaire est une filière d’avenir", avant de se défendre, lundi 27 août, de faire "de la provocation" sur le nucléaire.

Le ministre de l’intérieur Manuel Valls a soutenu Arnaud Montebourg, lundi 27 août, en assurant que l’énergie nucléaire est "incontestablement" et "évidemment" une filière d’avenir.

Lire aussi : Pourquoi Montebourg défend la filière nucléaire

Lire aussi : Montebourg se défend de faire "de la provocation" sur le nucléaire

Regarder la vidéo : Manuel Valls : l’énergie nucléaire est "incontestablement" et "évidemment" une filière d’avenir

P.-S.

Franck Pupunat, porte-parole du Mouvement Utopia ; Nicolas Pagnier, porteur de la contribution générale "Socialistes, altermondialistes, écologistes) au Parti socialiste ; Pierre Lucot, membre des instances nationales d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ; Myriam Michel, membre du Parti de gauche).

Utopia est une coopérative politique et citoyenne qui défend ses idées dans les différents partis politiques de gauche (EELV, PG et PS). Utopia soutiendra une motion d’orientation lors du prochain congrès du Parti socialiste.

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